Dans cet article je vous présente une pièce de théâtre de Giraudoux, La guerre de Troie n'aura pas lieu, une lecture à la fois agréable par le style sublime de son auteur et intéressante par le message qu'il transmet.
L'auteur
Giraudoux est un écrivain et diplomate français. Il est soldat durant la première guerre mondiale et y est blessé à deux reprises. Il défend ardemment la paix. Il écrit la pièce de théâtre La guerre de Troie n’aura pas lieu entre l’automne 1934 et juin 1935 à l’aube de la seconde guerre mondiale, dans le contexte politique de la montée des dictatures en Europe et de la crise de 1929 qui sévit encore.
Le public reçoit la pièce très positivement, elle suscite l’admiration autant des spectateurs que des critiques qui admirent la finesse de la plume de l’auteur et le mélange habile du comique et du tragique.
Présentation / résumé
Giraudoux reprend pour cela l'épopée grecque de l’Iliade, d’Homère. Il utilise le mythe de la guerre de Troie et fait partie des auteurs du 20ème siècle qui écrivent des pièces à partir d’influences multiples qu’elles soient orientales ou antiques pour parler des bouleversements de leur temps. Ainsi, ils ajoutent aux personnages du mythe une complexité psychologique qui les rend plus humains et plus proches du public du 20ème siècle.
Ainsi la pièce se déroule pendant l’Antiquité, à l’aube non pas de la seconde guerre mondiale mais bien de la guerre de Troie, un des évènements les plus marquants de l’Antiquité grecque.
Giraudoux s’inspire ainsi de la légende et d’Homère.
La pièce s’ouvre sur l’arrivée de Hector qui retrouve sa femme, revenant victorieux d’une guerre qu’il disait être la dernière. Cependant, l’enlèvement d’Hélène, la femme du roi de Sparte Ménélas, par Pâris, déclenche la colère des Grecs qui veulent se venger de cet affront.
La première réplique d’Andromaque, la femme d’Hector est d’ailleurs “La guerre de Troie n’aura pas lieu, Cassandre !”. Le décor se constitue pendant la plus grande partie de la pièce de deux portes ouvertes, qui sont les portes de la guerre et ainsi une métaphore de celle-ci. Giraudoux offre dans son œuvre le combat d’Hector contre l’inévitable, à travers des répliques approfondies. Le passage le plus frappant reste la discussion entre Hector et Ulysse à la fin de la pièce lorsque les deux chefs doivent décider du sort de leurs deux nations, qu’ils ont entre leur main. Zeus a en effet donné deux options : si Hector et Ulysse ne se mettent pas d’accord, la guerre aura lieu.
La pièce est alors un débat entre ceux qui pourraient aujourd'hui être considérés comme des pacifistes, comme Hector, et ceux qui défendent l’idée que la guerre est inévitable avec par exemple Priam (le père d’Hector).
Mon avis
Le livre est enrichissant et le lecteur s'y plonge rapidement.
Tout d’abord, les nombreux dialogues entre les différents personnages qui défendent leur opinion sont intéressants. Ils déclenchent de nombreuses réflexions chez le lecteur, tout d’abord sur la guerre en elle-même, à travers le point de vue d’Hector lorsqu’il parle de la guerre à Andromaque, “Auparavant ceux que j’allais tuer me semblaient le contraire de moi-même. Cette fois j’étais agenouillé devant un miroir. Cette mort que j’allais donner, c’était un petit suicide.” mais également lorsque Andromaque essaie d’expliquer à Hélène la mécanique de la guerre, “Aux approches de la guerre, tous les êtres sécrètent une nouvelle sueur, tous les évènements revêtent un nouveau vernis, qui est le mensonge” et la supplie d’aimer Pâris pour que la guerre ait au moins une raison d’être “Aimez Pâris ! (...) Dites moi que vous vous tuerez s’il mourait ! (...) Alors la guerre ne sera plus qu’un fléau, pas une injustice”. Le dialogue entre Hector et Ulysse est lui aussi extrêmement puissant et montre le véritable pouvoir de la parole qui surpasse celui des armes. Comme le disent les deux personnages, le véritable combat est celui des mots, “Et voilà le vrai combat Ulysse ?”.
J’ai beaucoup apprécié la tournure ironique de la pièce avec une tonalité comique qui transparait pleinement dans le personnage d’Hélène qui semble ne porter d’attention à rien ni personne, vivre la vie comme elle se présente, elle change d’avis selon la personne qui lui parle comme si elle se moquait de la vie, comme elle le dit à Hector “Je laisse l’univers penser à ma place. Cela, il le fait mieux que moi.” Certaines de ses répliques font ainsi sourire le spectateur, “Me moquer, pourquoi ? Allons ! Partons, si vous voulez ! (...) Nous verrons bien.”
Pour finir, la plume de Giraudoux est particulièrement touchante. Cela permet au lecteur d’aimer la pièce dès le début avec facilité, la lecture se fait presque toute seule et à travers les répliques des personnages, parsemées de nombreuses figures de style, comme ce parallélisme de construction “ Braves devant l’ennemi, lâches devant la guerre, c’est la devise des vrais généraux”. L’écriture de l’auteur émerveille. J'ai parfois eu l’impression de lire de la poésie et je repenserai particulièrement à la beauté de l’écriture en pensant au livre. Elle est d’ailleurs présente à travers le poète Demokos, “Dès que la guerre est déclarée, impossible de tenir les poètes. La rime, c’est encore le meilleur tambour.”
Giraudoux explique donc par cette œuvre, qui fait glisser le tragique vers l’absurde, que la guerre n’est pas inévitable et que les conflits peuvent se résoudre de manière pacifique, une pensée qui s'inscrit pleinement dans le contexte actuel.
J'adore la mythologie grecque depuis que je suis petite, et cette pièce de théâtre semble très intéressante, notamment grâce à ton avis développé. Merci pour ce super article !
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